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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre X

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Chapitre X : Pendant la guerre

« Pendant la guerre, souvent, ils me livraient bien emballés et ficelés des officiers et des soldats qui étaient tombés dans leurs embuscades. Les prisonniers figuraient à mes spectacles, faisaient le sujet de mes expériences ; le maquis y gagnait d’être débarrassé d’eux sans se compromettre et de recevoir de moi quelque supplément de finance. Ainsi, d’un gros colonel wurtem-bergeois, je me rappelle que nous nous donnâmes la comédie de lui faire retirer son uniforme, son linge, et puis, tout nu, de tatouer sur la peau de son corps ledit unifor­me sans en rien oublier, ni les jambières, ni les décorations, ni les galons, ni l’étui du pistolet, ni le moindre bouton réglementai­re.
Après quoi, quand le bonhomme eût sucé (sans les mordre) les vits des nègres, et qu’il eût avalé tout le foutre, il fut expédié de la main de Caligula. J’ai grande sympa­thie pour les Israéliens, dont j’ai appris qu’ils faisaient subir la première partie de ce traitement à des officiers supérieurs et géné­raux de l’armée britannique, avant de les renvoyer, décorés de la sorte, à leur quartier. Ce serait une mode à répandre, que de tatouer ainsi tous les militaires de profes­sion. Mon seul regret est de n’avoir jamais pu me procurer, malgré la promesse d’une grosse prime, un exemplaire de ces glorieux généraux russes qui, plus que tous les autres, sont chargés d’or et de quincaillerie ; sur tel cuir de cosaque, à graver ces grandes épaulettes, ces brochettes de médailles, pensez quel joli travail on aurait pu faire ! »

Un mugissement assez lugubre, derrière nous, mit fin au quasi-monologue de M. de Montorgueil C’était  signal, me dit-on, qu’é­tait servi le déjeuner — le nègre Gracchus qui beuglait et râlait dans un grand coquil­lage tourné en spirale. Nous descendîmes, quand le buccinateur eut définitivement perdu le souffle.
— N’est-ce pas chez vous une petite manie, demandai-je à mon hôte, de donner une telle importance à la race de tous ceux dont vous contez l’histoire ?
Votre observation est bonne, dit-il. Je ne suis jamais arrivé à perdre complètement cette vieille habitude anglaise, et mauvaise, de parler d’un beau caniche, d’un gros percheron, d’un persan crème, plutôt que d’un chien, d’un cheval ou d’un chat. Tout ce qui nous vient de ces foutues patries nous rend sots.

Et il me poussa vers la salle à manger.

Là, dans le décor de la veille (mais à cires éteintes ; les tentures, roulées comme des voiles au-dessus d’un grand vitrage, du côté de la cour, laissant entrer dans la pièce un jour plutôt maussade), je trouvai la compa­gnie à laquelle je m’attendais ; c’est-à-dire qu’il ne manquait que Michelette, qui avait fait son temps et dont les crabes devaient avoir déjà nettoyé les petits os. Nous prîmes place dans l’ordre de la soirée précédente, à cette unique différence, encore, que Montcul et Luna de Warmdreck ne partageaient avec personne leur canapé.
Edmonde, quoique surgie de la cuisine où, nous dit-elle, elle avait passé des heures à l’intention de notre gueule, était souriante et fraîche ; sa gorge et son cul bondissaient sous la chemise mauve, plus gros et plus beaux par l’effet d’une guêpière en cuir doré qui étran­glait la taille. Les deux nègres firent leurs allées et venues avec de grands plateaux d’oursins, ce dont je me réjouis, d’abord, car je n’aime rien tant que les délicieuses grappes orange ou safran qui sont la ponte de ces vivants fruits de mer, mais je fus désappointé, car d’oursins ce n’étaient que des carapaces, et chacune contenait un testi­cule (d’agneau) braisé, sur un lit de purée d’échalotes. Blâmant ce mets, qui était, à mon goût, détestable, je lui trouvai pourtant de l’esprit, et j’en louai l’invention, car la coquille de l’oursin, couleur chair à l’inté­rieur et velue d’un poil piquant à l’extérieur, est morphologiquement un con avec tant d’évidence qu’elle pourrait passer pour une plaisanterie de la nature. Il y avait donc un certain humour à loger une couille en tel endroit, plus banalement adapté à recevoir une tête de vit.

Cependant que les nègres, avec des mines de porcs, dévoraient les testicules et gamahuchaient l’intérieur des carapaces, Montorgueil à son habitude, vitupérait l’Angleterre, et il nous contait des histoires d’un sien parent, Mountarse du siècle passé, avec qui la reine Victoria plantait ramures à son époux ainsi qu’à son amant principal : Lord Alfred Tennyson.
A la première bordée, dit-il, que mon oncle tira sur le royal matelas, il sodomisa Sa Gracieuse Majesté, et d’un si bel élan qu’elle en fut toute ravie, car elle avait fort à se plaindre du Poète Lauréat qui, pour des raisons fondées notamment sur la lecture de la Bible et du dictionnaire médical, ne la voulait emmancher pas plus d’une fois par semaine et jamais ailleurs que dans ce qu’il appelait le « vase de bonne moralité », id est : le vagin.


Mon oncle, au contraire, qui était un homme à queue, la besogna dans tous ses orifices, sans rechigner, après qu’il lui avait bien rempli le con, à lui en remettre plein le cul, plein la bouche et même plein les trous du nez. Il paraît — ce que je vous dis là, je l’ai lu dans les mémoires (encore inédits, malheureusement) de mon oncle Jonathan Mountarse — que la reine avalait goulûment le foutre et qu’elle raclait du plat de la main tout ce qui bavait et dégouttait de partout où on l’avait pinée pour se le jeter, après, dans le gosier, en braillant que c’était meilleur que du sabayon au whisky, et qu’auprès de la jute de Mountarse celle de Tennyson n’était que de l’eau de riz. Mon oncle finit par étriller la royale garce à coups de bretelles ; alors, pour l’en remercier, elle le fit chevalier de la Jarretière. Je n’ai pas réussi à la Cour aussi bien que sir Jonathan. Avouons, car en tout je veux être juste, qu’il bandait assurément plus vite que moi ; et puis les culs des royalties se sont rarement trouvés à portée de mon lastex.

Il s’interrompit pour se servir d’un plat de petites langues (si petites que je ne saurais les attribuer à nulles bêtes qu’à des cochons d’Inde), avant de reprendre, presque sans transition.
— Observez, je vous prie, l’objet par excel­lence usuel de la famille et du foyer en Grande-Bretagne : la théière anglaise. Il faudrait être bien dépourvu de sens critique pour admettre que pareil ustensile sert exclusivement à préparer des infusions. La forme, en vit mesquin, de son bec, son ventre rond que nos morues nationales emplissent d’eau chaude avant de se l’appli­quer sur la motte, vous indiquent, sans possible erreur, sa destination.

La théière anglaise (certaine, que j’ai vue, était gainée d’astrakan comme le bas-ventre d’un zoulou) est un godemiché ; sans doute le res­tera-t-elle jusqu’à la fin du monde, ou jusqu’à ce que mes compatriotes aient appris (chose improbable) à faire reluire un peu leurs tristes femelles. N’est-ce pas, d’ail­leurs, l’idéal de toutes les femmes au Royaume-Uni que l’homme-tronc, infirme à gros vit, théière encore, qui leur serait absolument remis à discrétion ? J’ajouterai, toujours à propos de cette forme singulière­ment allusive, que la théière anglaise ressemble tellement aussi à la tête d’un rhinocéros que j’ai souvent rêvé de posséder un animal de cette espèce, dressé à foutre de la corne ; j’aurais lâché mon bestiau dans le Parc, à l’heure des petits sermons, et je vous assure qu’il y aurait eu du cri, du mouve­ment, de la joie…
Il devenait monotone, dans son chauvinis­me à rebours (c’était comme un caquet de toupie irlandaise) ; alors, pour changer de musique, je lui rappelai qu’il m’avait promis une autre histoire, et précisément l’arrivée de son amie, la jeune princesse, à Gamehuche.

— Qu’en pense ladite jeune princesse ? demanda-t-il.
Et encore, maniant sans indulgence les seins de sa voisine :

— Répondras-tu, bougresse ? C’est de toi qu’il s’agit.
— La princesse et la bougresse sont aux ordres de M. de Montorgueil pour tout ce qu’il lui plaira d’exiger, dit l’Allemande, avec un soupir et un beau mouvement de gorge.
Bon, reprit-il ; je suis un galant hom­me, et sans le consentement de la principale intéressée je n’aurais rien raconté du tout, mais, puisqu’elle le veut, je commence.

« C’est donc entre le printemps et l’été de l’année 1942 que je rencontrai pour la première fois le général baron von Novar, lequel venait d’être promu au commande­ment des forces aériennes pour la région de basse Bretagne. Ayant entendu parler de votre hôte et serviteur comme d’une sorte d’original anglais (l’expression a toujours cours), dégoûté de sa propre patrie mais grand admirateur de la nouvelle Allemagne, le général m’avait voulu connaître, et fort civilement, je dois l’avouer, pour étonnant que cela paraisse), après que les siens m’eu­rent averti de la visite, il s’était fait conduire au château et présenter à moi. Au bruit de l’escorte motocycliste, pétaradant sur la plage en attendant que le gué devînt prati­cable aux machines, je m’étais heureuse­ment avisé (pour éviter tout fâcheux inci­dent) d’enfermer dans l’une des tours grillées deux Juifs que m’avait confiés le maquis et qui provenaient d’un petit village de l’inté­rieur, où ils s’étaient réfugiés assez légère­ment.

« Novar, car j’avais su dire ce qu’il fallait pour plaire à telle brute, bientôt m’aima plus que tous ses compatriotes (qu’il mépri­sait, d’ailleurs, quand leurs grades étaient plus bas que le sien) ; ce fut au point qu’il ne pouvait plus se passer de moi, et trois ou quatre fois par semaine il venait me retrou­ver à Gamehuche. Son habitude était de se faire toujours accompagner par sa nièce, la jeune princesse de Warmdreck, que vous voyez là et que je touche au bon endroit, sous sa robe, en ce moment même. La prin­cesse est maniable. La putain est rieuse. Rira bien qui rira le dernier. Mais je crois que je m’écarte de mon histoire.
Le général — pour revenir à notre mouton galonné — s’était donc pris pour moi d’une affection fanatique et, dans un accès de confiance qu’assurément je ne méritais pas, il me raconta, sous le sceau du secret, comment et pourquoi il avait emmené sa nièce avec lui. Le prétexte allé­gué étant qu’il avait besoin de la jeune fille en tant que secrétaire, la véritable raison de sa démarche avait été de lui faire quitter l’Allemagne pour qu’elle échappât au service du travail obligatoire et à certaines promiscuités indignes d’une personne de son rang, s’il y avait eu des princes régnants, avant Bismarck, dans la famille.

« Au début, c’est avec un petit ennui que j’avais subi des visites auxquelles l’équilibre fragile de ma position ne me permettait évidemment pas de me dérober, mais je fus séduit, bientôt, par le comique involontaire qui fait aigrette aux officiers supérieurs et généraux dans les armées de tous les pays du monde, et je ne me lassai plus des confiden­ces de Novar. Un mouton, d’ailleurs, je le répète, pour le caractère. Et sa nièce com­mençait à me donner bien agréable­ment à penser. Avec eux venait souvent un troisième personnage, que je voyais avec moins de plaisir et qui me regardait sans amitié. Celui-là, dont il se laissait entendre, quoique de façon non pas officielle, qu’il était fiancé à la princesse Luneborge. ser­vait avec le grade de pilote lieutenant dans les formations maritimes de la Luftwaffe ; son insigne était une chose en forme d’aile­ron ou de nageoire. Noble aussi, et de toute première catégorie, mais bien moins humain que bestial, c’était un garçon blanc et roux qui avait près de deux mètres de haut et qui répandait autour de lui une forte odeur de chenil. Peut-être abusait-il du shampooing au pyrèthic. S’il bandait avec ostentation (les culottes militaires et ces courtes vareuses sont coupées exprès pour faire montre de cela), il n’était pas besoin d’être devin, ni père aumônier, pour voir que la putain de nièce mouillait pour lui et que ia grosse bite du premier savait à fond les bons coins de ia seconde. Or (l’ai-je dit ?), j’avais ces coins-là dans la tète et dans le ventre comme on y a la poignante image de Saint-Pierre de Rome, des Invali­des ou d’un bordel encore inédit.

La chaleur augmentant à mesure qu’al­lait la saison, le général envoyait quelquefois une voiture militaire pour me prendre à Gamehuche et me conduire sur une plage déserte, près de Saint-Quoi-de-Vit ; le trio s’y baignait habituellement sous la garde des seuls motocyclistes, postés, rigides, au pied d’une petite dune. Novar, qui s’abritait d’une ombrelle, jasait avec innocence, sans qu’il fût nécessaire de l’écouter plus que le gravier bruissant. Luneborge laissait que le soleil l’eût rougie, puis, toute pivoine et muette, elle se jetait à la mer et poussait très loin au large d’une nage puissante et tran­quille. La suivait à courte distance ce bougre que je détestais : le lieutenant Conradin. J’étais bien sûr que les fiancés s’emman­chaient dans la pleine eau (succulent exploit, d’ailleurs, dont voici la recette éprouvée : la femelle faisant la planche, le mâle se place dessous, et puis, guidant le vit bandé dur à la fente de son choix, brutalement, si l’eau salée lubrifie mal, il enconne, ou encule, d’un bon coup de reins ; alors il n’y a plus qu’à se confier au mouvement des vagues, qui vous bercent l’échiné ainsi que des mains serviles appliquées sous un hamac ; mais n’oubliez pas, c’est prudent, de vous passer au cou, pour ne pas risquer de le perdre, caleçon ou maillot, le linge retiré au début de l’opération). Quand ils revenaient, après une heure ou plus encore, le visage tiré de fatigue et le souffle rompu, j’enviais l’homme. La putain s’abattait sur le sable, défaite comme si elle avait servi une escoua­de de tirailleurs ; paupières baissées tout de suite sur les patientes aiguës-marines que vous voyez là (je ne connais rien qui provoque aux grands excès comme le vide de telles prunelles enchâssées bleu pâle dans une peau bien dorée), elle séchait au soleil ses beaux cheveux, son beau pelage noisette exhibé sans pudeur aux aisselles. Lui, le salaud, d’une main glissée dessous je voyais qu’il lui maniait doucement les fesses, et il rebandait à l’ouvrage, tandis que d’une légère houle de la croupe et du ventre elle montrait qu’elle n’était pas insensible.

Foutrechaud ! je me jurai que la garce avant longtemps servirait d’étui à ma pine.
Mis au courant de mon désir, prévenus qu’il y aurait grassement à gagner le jour où l’on m’apporterait en bon état la triple proie, les hommes du maquis firent leur plan d’attaque. Ce fut le lendemain de la Saint-Jean qu’ils l’exécutèrent, et par une matinée de chaleur dense qui devait inévi­tablement faire courir au bain mon gibier, tandis que j’avais prétexté de sauts à travers le feu, de rondes et des autres fatigues de la veille pour ne pas m’écarter du château.

« Le soleil brûlait à faire péter les cailloux du rivage, et il tapait durement sur le ras des crânes germaniques. Aussi les motocyclistes qui, en bons soldats, dormaient debout à leur poste, furent-ils au sable avant d’avoir pu se mettre en garde, moins grièvement atteints qu’étourdis par des projectiles issus d’armes pneumatiques et silencieuses de mon arsenal particulier. Les trois personna­ges principaux venaient de se rhabiller si, même pour eux, il faisait vraiment trop chaud ce matin-là (et une demi-heure plus tard mes gens de main eussent trouvé la plage vide) ; nulle résistance n’étant pos­sible, ils furent pris, ficelés, bâillonnés, encagoulés, jetés sur une charrette entre deux lits de varech comme des homards que l’on veut tenir frais. Alors on revint aux blessés (légèrement) et, puisque la mer commençait à monter, on les enfouit très proprement jusqu’aux épaules, tout nus, mais les bras liés au torse, dans le sable humide, à cinquante mètres à peu près des premières vagues ; cela de façon qu’ils eussent bien le temps de voir venir le flot avant d’être saisis dans ses remous. La noyade ainsi, par jappements, écume et dérobades, je suis assez d’avis que le système nerveux doit s’y déchirer, et s’effriter la raison, comme dans la mort sous le fouet. Peut-être même y avait-il trop de munificen­ce à traiter aussi luxueusement un si piteux bétail que des plantons ordinaires de la Luftwaffe.

« Quant aux prisonniers, lorsqu’ils furent déchaperonnés (permettez-moi, s’il vous plaît, ce terme de fauconnerie!, ils se trou­vaient dans la salle où nous sommes, et c’était vers la fin de l’après-midi ; rideaux tirés, toutes cires allumées, quoique au dehors il fît grand jour et que la chaleur fût encore excessive. Les maquisards étaient disparus, éparpillés dans la lande et dans le bocage sitôt après avoir empoché leurs napoléons.
Vous voyez autour de vous, à cette diffé­rence qu’il est maintenant dans son éclairage diurne, le théâtre du jeu ; passons briève­ment en revue, acteurs, victimes, figurants, les personnes qui vont y prendre part :
Nous avons donc, du côté des étrangers, le général von Novar, le lieutenant Conradin et la princesse de Warmdreck. Les deux premiers sont en petit uniforme de la Waffe, mais chaussés d’espadrilles non pas régle­mentaires. Luneborge, pieds nus, est vêtue seulement d’une courte robe de plage en toile orange, qui fait belle montre de ses épaules brunes, de ses aisselles, de ses jambes et d’un intéressant début de gorge. « De l’autre côté, celui des habitants du château, voici d’abord le maître de maison, votre serviteur ; lequel porte ce jour-là une robe de chambre en cachemire noir, ceintu­rée de soie violette, qui lui donne un peu l’air de « Sa Grandeur Mgr de Garnehuche ». Entièrement nu sous cette robe de chambre, il est chaussé de pantoufles en daim noir, à talons violets. Se trouvent à sa droite et à sa gauche deux filles de race noire, nos jeunes amies Viola et Candida, toutes nues dans de longues robes fendues par devant et dégrafées qui, mauve l’une, la seconde rosé vif, ont été bâties de peaux de ces chèvres du Tibet qui ont le poil doux comme du cheveu de femme ; les jambes de ces coquines paraissent encore plus élancées du fait d’escarpins rouges à talons hauts. Les deux nègres Gracchus et Publicola, torse nu, pieds nus, n’ont rien que des culottes collan­tes — l’un satin blanc, cramoisi l’autre — qui leur tombent plus bas que le genou selon la mode des anciens pêcheurs napolitains ; et puis, pour compléter le costume ou pour occuper leurs mains, ils tiennent chacun sur un plat d’argent un grand bouquet d’asper­ges, dont Mgr de Gamehuche, comme avec distraction, sucera une branche, parfois.
« Seuls personnages que vous ne connais­siez pas {et pour cause !), deux Juifs dont il fut déjà question, John-Henry Rotschîss, trafiquant naguère en ferrailles, et le dentiste Simon Vert, achèvent la compagnie. Ces deux-là (je les y ai forcés sous prétexte de les protéger par tel déguisement) sont en habits de capucins, de la couleur brenneuse que vous savez ; leur teint livide, le brillant de leur peau suintant gras vont dans le froc aussi naturellement que des feuilles d’oseille sous le ventre d’une alose.

« Et maintenant, sans autre lever de rideau, le jeu commence. Les prisonniers se regardent, regardent autour d’eux, me regardent, avec quelque ébahissement et des cillements d’yeux qui font penser à des nocturnes saisis dans un faisceau de lumière. Puis les hommes ont dû se rappeler qu’ils sont sont de guerre, officiers, nobles et Prussiens, car ils prennent cet air de tronc que l’on sait et qui est une sorte d’érection morose. La fille, au contraire, toute molle, ondule comme une petite loutre apeurée.
« Selon les prérogatives de son grade, le général a droit aux premiers mots. C’est pour me dire que je serai fusillé, et qu’il va me montrer comment meurent les héros de son pays.

« — Double erreur, mon cher général, je ne serai pas fusillé car nul des tiens ne saura jamais que ce fut ici, dans un trou à crabes, le terme de ta trop longue carrière ; et il ne s’agit pas de mourir en héros de ton pays ou d’un autre, mais de me réjouir par le specta­cle de ton abaissement, de ton déshonneur et des vexations que l’on va t’infliger. Hébreux, je vous livre le général, traitez-le comme il vous plaira.
« Je le mouche d’une double torsion nasa­le, je lui donne du pied aux couilles, je le pousse vers les Juifs. Ceux-là, voyant l’uni­forme de leurs bourreaux habituels, d’abord avaient fui derrière la colonnade, puis, reve­nus à petit trot, ils s’étaient mis à ricaner si férocement et si horriblement que, n’eût été leur utilité en tant qu’instruments vexatoires, je crois que je les aurais fait dépêcher avant même de m’attaquer aux Allemands.

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre IX

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Chapitre IX: M. de Montorgueil ou l’équilibre entre philosophie et arrivisme

— Qui est donc cette baronne Séphora, dont il fut question tout à l’heure ? demandai-je après quelques moments, pour rompre le silence plutôt que par curiosité.
— Oh ! dit Montorgueil c’était une personne assez dépourvue d’intérêt. Austro-Polo­naise, passant la cinquantaine, elle m’avait été livrée par les garçons d’un maquis, où elle avait cherché refuge dans la crainte de la police allemande. Elle se donnait des airs qui n’étaient sur rien fondés, ba­fouillait un peu de théosophie, préten­dait à se nourrir uniquement d’œufs crus, de laitages et de miel. Comme elle affec­tait aussi de détester les animaux, et les chiens en particulier, à la manière de Restif,
je me suis amusé à faire foutre cette vieille peau par mes dogues. Le plus drôle de l’his­toire fut quand elle refusa de se tenir à quatre pattes, prête au martyre, si l’on voulait, mais soucieuse de sa « dignité d’être humain » ; et elle se roulait toute nue par terre, où ses cuisses, affligées de cellulite, grelottaient comme des rideaux mouillés.
Pour l’obliger à faire la chienne, nous dûmes attacher ses pieds et ses mains à quatre anneaux que vous voyez ici, en outre du collier qui a suffi à Michelette, et placer sous son ventre un fagot de branches d’aca­cia. Bien saupoudrée, vous l’auriez vue faire beau cul pour Wellington. Quelles épousail­les ! La gueuse en eût redemandé… Mais, et je m’en excuse, je me sens tout à coup un peu las. La faute en est à cette petite coquine qu’ils sont en train d’expédier. Ne voudriez-vous pas —j’en aurais, quant à moi, très grand plaisir — que nous reprenions demain notre entretien ? Vous me pourriez rencon­trer vers midi, sur le rempart du château, et nous jaserions en regardant la mer avant d’aller déjeuner.

J’acceptai le rendez-vous. Je souhaitai bonne nuit à mon hôte ; il se retira. Nous libérâmes Edmonde, qui geignait sous ses liens, et puis je gagnai ma chambre avec Viola et Candida, et dans le grand lit circulaire nous fîmes encore une longue partie de queue, avant de céder à ce bon sommeil d’après foutre, qui est paisible, profond, réparateur, et qui mérite, en vérité, le nom de sommeil du juste ou de sommeil de l’in­nocent.

A mon réveil (premier, devrais-je dire), il faisait jour et j’étais seul dans la chambre ronde. Le désordre des draps, plaqués, non loin de moi, de foutre sec, témoignait assez bien que je n’avais pas rêvé certains exploits de la veille, et je savais que si j’étais sorti, puis rentré, j’aurais été saisi à la gorge par cette puissante odeur que laissent les femmes de peau noire quand elles ont passé la nuit dans un lieu clos. Je m’abstins, toute­fois, de faire l’épreuve, préférant demeurer coi dans une puanteur où je ne flairais rien (habitude aidant) qu’un air un peu lourd. Celui-ci, la fatigue et mon immobilité valaient une bonne dose de narcotique : je fis encore un somme.

Il ne devait pas être beaucoup plus tard quand un joyeux vacarme me réveilla de nouveau. Alors je vis paraître mes belles amies, qui (poussant, tirant et non sans peine) produisirent hors du trou de l’escalier un plateau de dimensions impressionnantes, lequel, posé sur le lit comme une table, portait de grandes tasses toutes pleines d’un chocolat épais et maléfique, une pyramide de galettes sorties du four à mi-cuisson, des compotiers de purée d’anchois aux fines herbes, de hachis de viande crue et de cibou­le, des confitures de fleurs d’acacia, de capu­cines et de violettes. L’excuse étant de restaurer nos forces, nous fîmes assaut de gloutonnerie ; mes amies, je m’en souviens, faillirent s’étrangler de rire (j’oubliais d’avertir que, pour bâfrer, elles s’étaient mises toutes nues, et que je n’avais pas non plus le moindre vêtement) quand une tartine de violettes me peignit les lèvres et le palais de la couleur qu’on voit aux chiens chow-chow ; chez elles, l’effet en restait inaperçu, naturellement. Les vertus de cette collation, que l’on me permettra d’appeler musquée, se firent bientôt sentir, et je payai de retour les jolies gourmandes en leur en fourrant plein la bouche, et puis plein le ventre, mais à coups de pique. Avouons, pour être franc, que Viola seule obtint du foutre ; je ne voulais pas, dès le matin, émousser trop mon arme.

Après cette bourrasque, il y eut accalmie ; puis nous descendîmes tous les trois ensemble dans la salle de bains, et là, dans le grand bassin que d’avance on avait rempli d’une eau saturée probablement de gaz, puisqu’elle fumait et pétillait comme du Champagne tiède, nous fîmes durer long­temps des ablutions rendues tout à fait déli­cieuses par les prétextes qu’elles offraient aux jeux innocents et pervers, aux recher­ches intimes, aux plaisantes comparaisons, aux fausses naïvetés, aux curiosités enfanti­nes et à la satisfaction desdites curiosités. En bref, je sortis du bain bandé à neuf, les muscles gonflés, la tête libre, le cœur réglé comme un chronomètre. Rien ne vaut les enfantillages, quand il s’agit de remonter un homme. Et plutôt qu’à ce Balthazar, sous le nom duquel on m’avait affublé, je me comparai au roi Salomon parvenu à l’âge le plus vénérable et qui retrouvait la vigueur de ses jeunes années en mêlant son vieux corps aux ébats lascifs de petites filles nues.

Je me rasai ; Candida me frictionna au gant de crin ; Viola me passa quelques langues, et puis du talc, aux endroits parti­culièrement sensibles. Toutes deux, ensuite, m’aidèrent à m’habiller. Ce fut ainsi que la veille, et par-dessus le vêtement brillant que j’ai décrit elles jetèrent une grande cape, d’allure assez pastorale, qui par la couleur et la matière du tissu semblait avoir été coupée dans un pan de mousse morte. Disparues leurs nudités aussi sous des robes en astra­kan, ouvertes par devant, comme des lévites, et dont les peaux ne se distinguaient en rien du poil lustré de Candida, nous sortîmes ; cependant je quittai mes amies dans la cour, au pied d’un escalier qu’elles m’avaient indiqué pour l’ascension que je voulais faire.

Là-haut, je ne trouvai personne. Un grand vent soufflait, qui me glaça, et je serrai frileusement autour de moi l’étoffe, épaisse par bonheur, qu’il faisait claquer. Je pris le chemin de guet, par où j’arrivai à une terras­se de belle étendue, quoique de forme, irré­gulière, située au-dessus de ce que j’ai appelé le principal corps d’habitation, c’est-à-dire du donjon et des deux petites tours latérales ; ladite terrasse, bordée d’un para­pet point très haut du côté de la cour, suivait évidemment le plan en ligne festonnée des bâtiments qui la supportaient, tandis que du côté de la mer elle était limitée par la courbe du rempart. Il ne devait pas être loin de midi, si mon ombre sur les dalles de granit faisait une tache qu’aurait couverte un gros lapin. La pleine mer était passée de peu ; refluait le courant, bien visible selon le trajet des paquets d’écume, des varechs et des menus corps flottants ; une bouée, sur sa chaîne, tirait vers le large ; mais il s’en fallait de plusieurs mètres qu’on vît rien paraître de la chaussée qui reliait le château à la terre, et les vagues, sans se briser, léchaient la base du rempart comme elles font la coque d’un navire en eau profonde. Des oiseaux gris tourbillonnaient, avec des cris de folles.

Il est un peu tard pour les voir plonger, dit une voix. C’est à marée montante que le poisson vient près de la surface, et qu’ils font leur butin.

Celui que j’attendais, averti, je pense, par les moricaudes, était monté sans que j’eusse rien entendu, et il se tenait à côté de moi, tête nue, les cheveux dans le vent, le reste chaudement couvert d’une pelisse en renards de pays, qui traînait un peu sur ses pantoufles.

Le visage de Montorgueil, quand on a eu le bonheur (ou le malheur) de le rencontrer, ne s’oublie pas facilement, et je suis persuadé que les victimes de cet homme, en fermant pour la dernière fois leurs paupières, auront emporté son image dans la mort. Un peu plus grand que normal selon les proportions du corps, le visage dont je parle apparaît troué de grands yeux très clairs, à la prunelle jaune paille, sous des sourcils brun roux, très minces ; le nez est grand, un peu busqué sur des narines bien ouvertes et frémissan­tes ; grande aussi la bouche, avec des lèvres très pâles, strictement closes, cambrées voluptueusement comme les babines des plus gros félins ; la peau, presque trop blanche, est rasée de si près, poudrée si exactement, que l’on n’y a jamais vu un soupçon de poil. Flotte sur tout cela une très grande chevelure acajou et cuivre, divisée en deux vagues par une raie au-dessus de l’œil gauche, et qui retombe plus bas que les oreilles, à la mode des femmes et de certains pédérastes ridicules (mais Montorgueil, qui n’est pas pédéraste, est tout au monde plutôt que ridicule). Le cou, assez féminin, se trouve arrondi du bas comme par un début de goitre, et Montorgueil ne porte jamais que des cols (de soie) ouverts ou des cols très larges. Il faudrait dire aussi un air entre l’aigle pêcheur et le prélat anglican, qui n’est pas le moins singulier du personnage.

Je parle de lui au présent, comme s’il était vif, car malgré ce que j’ai appris (et que l’on apprendra dans la suite), je doute encore qu’il ne le soit plus.

Voyant que je l’examinais de la tête aux pieds, il se mit à rire.
— Que pensez-vous de notre carnaval ? me demanda-t-il.
Et comme je ne savais quoi répondre, il poursuivit :
— Ne me prenez pas tout à fait pour une chère petite folle qui soignerait son vague à l’âme par le moyen du travesti. J’aurais tort à nier, pourtant, le goût un peu outré que j’ai pour le masque et pour tous les déguise­ments possibles et imaginables. N’imputez qu’à celui-là le menu du dîner qui vous fut servi hier soir et résignez-vous : vos prochains repas seront dans le même ordre, ou, si vous préférez, dans le même désordre. Vous admettrez bien aussi, puisque j’avais décidé de me retirer du monde, de rompre absolument avec mon milieu, mon existence passée, et puisque à ces diverses fins je suis devenu propriétaire de ce château situé, nous l’avons vu, en marge de la terre des hommes, château que j’ai fait reconstruire et décorer sans aucun souci esthétique, mais dans la seule ambition d’y créer un climat dépaysant, vous admettrez, dis-je, qu’il convenait encore d’y abolir le costume aujourd’hui porté presque sans exception d’un bout du monde à l’autre. Tel costume, d’ailleurs, étant assez vilain d’aspect, mal commode aux parties délicates de notre corps et puant le commun bourgeois anglais, créature que dans le rang des êtres naturels je placerais très peu au-dessus du rat d’égout (mus panticus selon les zoologues, pantegana dans la cité des doges). Ce dix-huitième siècle de fantaisie dont j’habille tous ceux qui, de bon gré ou de force, me viennent rejoindre à Gamehuche, bien entendu je ne le prends pas au sérieux ; pourtant je trouve qu’il ne vous va pas mal et qu’il va délicatement à mes nègres. Et ces robes de chambre que nous portons vous et moi, sous nos grands manteaux de plein air, l’idée m’en est venue en écoutant (une fois de plus) l’une des choses qui me sont les plus chères dans le domaine de la musique : la fin du premier acte de Don Giovanni. Il saute aux yeux que les dessins du seul Anglais qui ait jamais su tenir un crayon ou un pinceau (celui qui repose au cimetière de Menton ; soit dit pour abréger la devinette) m’ont largement aidé à composer mon vestiaire.
Si je fis une réponse à cet endroit, elle était insignifiante, et je ne veux pas la rappeler, non plus, d’ailleurs, que toute la part (seule­ment de comparse) que je pris à la conversa­tion. Ce ne sont donc que les propos de Montcul (un peu comme des Montculiana) qu’à partir d’ici je citerai, et sans doute ne seront-ils pas même rangés dans l’ordre exact où ils furent prononcés ce matin-là. Mais ils n’en mettront pas moins un peu delumière sur le génie bizarre du seigneur de Gamehuche.

— J’ai vécu dans la plupart des grandes villes d’Europe, et surtout à Paris et à Londres. Je vous avoue que je m’y suis toujours ennuyé fort à ces passe-temps virils que, selon votre langage et votre tempéra­ment, vous appellerez noce, libertinage, galan­terie ou crapule, et que leurs limites, trop tôt rencontrées, ne m’ont jamais permis d’y prendre un plaisir véritable. L’adultère sous sa housse en imprimé Géraldy, franche­ment, quelle purge ! Et ces jeunes filles dont le déshabillé répandait une forte odeur de gibier d’eau, rue Paul-Valéry, ou encore dans une accueillante maison de la rue du Bac, pleine de chats siamois et de sujets anatomiques comme des ex-voto de plâtre médical, quelle litanie ! Tant d’hommes, là-bas, dont le point d’orgueil est de se préten­dre coureurs de filles, chasseurs de femmes ; l’idée ne se fera-t-elle jamais place en leur petit crâne que, de toute chasse, l’essentiel est la mise à mort ? Quête, traque, poursuite (ce sont les mots qu’ils emploient), leur jeu ne cesserait d’être factice et frivole que s’il aboutissait non plus à une simple fouterie d’après bal de famille mais au pur déchaîne­ment du chasseur sur sa proie. « C’est chose assurément bien fragile que la beauté d’une belle femme. Suffît d’un rasoir au bout d’un bras de nègre (ou dans la main velue d’un orang-outan, selon nos classiques préférés), et en trois mouvements un peu lestes ce qui fut votre perle, votre tulipe noire, votre idole, votre chef-d’œuvre de la création, ressemble fort à une tête de veau écorchée. »
« Et puis comment admettre, je vous prie, que ces putains qui nous auront servi puis­sent encore servir à tant d’autres après nous ? N’y a-t-il pas quelque impardonna­ble manque d’esprit dans cette tolérance ? Ne vous semble-t-elle pas en contradiction flagrante avec les formes que nous exigeons, ailleurs, du plaisir ? Quand nous avons savouré un beau poisson, ou une volaille, notre satisfaction est meilleure, et nous digé­rons mieux, de voir qu’il n’en reste sur le plat qu’une carcasse effondrée. C’est tout de même que la débauche, à mon avis, ne va pas sans la destruction physique de la créature qui n’était là que pour nous don­ner le plaisir de son corps. Car il n’est pas d’autre façon d’éteindre vraiment le désir, ah si j’étais capable d’amour, alors je crois que j’épouserais, et que j’aimerais fidèle­ment à travers toutes les épreuves et jusque dans les plus grands supplices. Mais l’amour est un mot galvaudé. »

« Cette jeune Allemande que vous avez vue hier soir, il est probable que je ne lui ferai pas grâce, car je ne l’aime pas véritable­ment et je n’ai jamais pensé que je pourrais l’épouser ; cependant elle me ressemble telle­ment en de certaines choses que, jusqu’ici, je lui ai toujours épargné le pire. Aucune de mes putains passées, d’ailleurs, ne m’a fait perdre autant de foutre que cette coquine-la. Ainsi, pour elle, le danger est encore lointain. Mais je ne crois pas qu’elle se fasse la moindre illusion sur ce qui l’attend à la fin de son service.
« Tout à l’heure, quand nous serons à table, rappelez-moi de vous conter comment elle est arrivée au château. L’histoire en est plaisante. »

« Pendant les dernières années que je passai au milieu des hommes, avant que je n’eusse revêtu mon habit d’ermite, il me prenait fantaisie d’imaginer (et d’exécuter, presque toujours) maintes choses qui se peuvent accomplir sans insurmontables difficultés, mais dont l’idée, malheureuse­ment, ne vient à personne. Ainsi, voler est fastidieux, collégien et un peu fleur à la boutonnière, à moins que l’on ne soit dans le besoin (et dans ce dernier cas il est beau­coup plus facile de gagner légalement ses banknotes), mais rajouter des tableaux au Louvre ou à la National Gallery, faire pénétrer des objets saugrenus dans l’ordre poussiéreux et solennel des musées natio­naux, voilà des crimes vierges : non punis­sables, veux-je dire, si le législateur ne s’est pas encore avisé qu’ils sont possibles et que, même, ils ont déjà été commis. Semer des éditions de grand prix (la première, entre autres, des Fleurs du Mal et la Délie de chez Sulpice Sabon) dans les boîtes à dix francs au choix, sur les quais, m’amusa. Je plaçai des perles de belle taille dans plusieurs huîtres et puis je distribuai mes coquillages aux éventaires, en prenant garde que le marchand ne me vît pas ; la plupart étant bien fines, cependant, pour la bonne surpri­se, j’en mis aussi quelques fausses. Pareille­ment j’introduisis des louis d’or dans l’esto­mac des carpes les plus grosses, au marché du quartier Saint-Paul, qui est, comme vous savez, le quartier juif. On se battait aux pois­sonneries, le lendemain, et deux femmes avec quelques enfants périrent dans le tumulte. Des anguilles et des écrevisses vivantes apparurent dans les bénitiers des églises, singulièrement à Notre-Dame, pour la grand-messe ; ce fut soupe aux poissons pour le bedeau. A l’inverse de ces libéralités, une solution de strichnine ou de certains prussiates, mais à dose foudroyante, que l’on injecte à la seringue sous l’écorce d’oranges ou de mandarines, jetées ensuite aux étalages, donne souvent, comme disent les médecins, un excellent résultat. Je vous recommande encore (mais il ne faut pas se livrer trop fréquemment à cette plai­santerie) des punaises bien pointues que vous éparpillerez, après les avoir enduites d’une pommade au curare, sur le plan­cher des pontons qui servent aux bains fluviaux.

« Enrichir ainsi le hasard est source de grandes joies. Vous y trouveriez le calme des nerfs, la paix de l’âme, plus sûrement qu’à perdre tout un baquet de foutre. Pourtant je parierais que vous ne suivrez pas mon conseil, car (une fois de plus, laissez-moi m’en étonner) personne (ni même la jeune princesse de Warmdreck) ne s’est jamais rencontré qui partageât avec moi le goût et l’intelligence de ces entreprises. »

« J’avais fait une belle liste de mes amuse­ments passés et à venir, que je regrette, à votre égard, de n’avoir pas conservée. Quand vraiment je fus au bout de la liste, je partis pour Gamehuche. Mon installation et l’aménagement du château, selon les directi­ves que vous connaissez, étaient terminés de peu quand survint la guerre ; bien à point, je l’avoue, pour supprimer avec le vieil ordre légal la plupart des obstacles qui auraient gêné mes desseins.

« Ce n’est pas sans plaisir, naturellement, que j’appris la défaite des forces armées d’Angleterre, de France et de Belgique et leur course éperdue vers les Pyrénées. Étant sain d’esprit, j’ai toujours aimé voir cavaler les militaires de mon pays ; à leur passage au contrôle, dans la région de Gamehuche, ceux-là étaient bons premiers, grâce à la vélocité des camions de la R.A.F. Quelques jours plus tard, les Allemands arrivaient, et ils occupèrent toute la côte.
« Comme j’affichais hautement la haine et le dégoût que j’ai de ma patrie, et comme, choqué par l’idiotie des Battenberg qui venaient de changer leur nom contre celui de Mountbatten, j’avais, moi, traduit le mien et fait Montorgueil de Mountarse, les Alle­mands, dans un élan de cette énorme stupi­dité qui est tout le fond de l’âme germani­que, me prirent pour un fasciste anglais, ou je ne sais quoi, enfin pour un sûr partisan de leur cause, et ils me donnèrent leur bienveil­lance et leur appui. En même temps je m’étais acoquiné (c’est bien le mot) avec les chefs de la résistance locale ; la complicité de ceux-là (assassins, voleurs, maquereaux et si parfaits imbéciles qu’ils étaient tout à souhait) facilita grandement mes affaires. Aujourd’hui que la guerre est terminée, ces jeunes frappes ont jeté le masque tricolore, et c’est en procureurs, uniquement, qu’ils me servent. Pour de l’argent (ou plus préci­sément pour un peu d’or monnayé à l’effigie d’un Badinguet perclus) ils me fournissent en garçons, filles, enfants ou bestiaux tout ce dont je puis avoir besoin ; avec autant de zèle que chez des Napolitains…

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VIII

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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VIII

Chapitre VIII : Chienneries

Et quand Mlle de Warmdreck lui eut fait part des ordres donnés, il les approuva fort :

On est toujours trop bon avec les enfants. Cette petite, par exemple, si vous n’étiez pas là, chère et inestimable amie, pour la corriger quand elle se tient mal, savez-vous qu’elle chierait et qu’elle mange­rait de la merde sur ma tête ! Je ne dis pas, d’ailleurs, que cela me serait absolument désagréable, mais chaque chose doit venir à son heure. Et que ce soit maintenant l’heure d’un peu de chiennerie, voilà qui est tout à fait excellent. Nous étions restés beaucoup trop longtemps sans nous donner ce plaisir-là, dont je raffole ; je suis sûr qu’il plaira aussi à notre ami Balthazar. Venez donc, les nègres auront achevé les préparatifs.

Nous retournâmes dans la salle à manger. Edmonde s’y trouvait en telle posture que nous l’avions laissée avant d’aller aux poul­pes, et son cul, sur la banquette, trônait dans le milieu de la rotonde avec une incompa­rable splendeur ; sous le meuble, il y avait une petite flaque sanguinolente, qui était tout le vestige du magnifique engin dont je l’avais gratifiée. La belle était revenue à la vie son teint rosé, ses yeux brillants, montraient que sans dommage elle avait absorbé l’énorme phalle, et qu’au besoin ou à la première occasion elle absorberait plus colossal encore, tant cette charmante fille était un miracle d’aptitude à la sodomie.

Elle eut pour moi un sourire aimable, quand je passai à côté d’elle, et me pria de pousser un peu la banquette, pour qu’elle ne manquât pas de voir ce qu’on allait faire à Michelette. Je la contentai, et puis la saluai, comme auparavant, d’une langue au trou du cul, car il me semblait que ce fût le baisemain qui convînt à une personne de son caractère et dans sa situation.Les autres s’étaient assis comme au théâ­tre, sur des banquettes rangées en demi-lune.

Devant eux, sur le plancher, je vis Michelette à quatre pattes, ainsi que pour jouer selon le naturel des gamines de son âge, mais je vis qu’elle avait un collier bouclé très étroitement à la nuque, collier de gros chien et qui portait des clous d’argent et des touffes de crin dur ; une courte chaî­ne, tendue de ce collier à l’un des anneaux fixés au sol, l’empêchait rigoureusement de se mettre debout. Sur le fond de bois noir, avec son corps de gosse réglée trop tôt, ses cheveux presque blancs, son fard étalé partout, les contusions et la saleté dont elle était couverte, c’était une délicieuse petite putain ; malgré ma décharge récente, et quoique je ne fusse pas au courant de ce qu’il lui faudrait subir tout à l’heure, j’éprouvais, rien qu’à la regarder, de furieux élancements dans les parties prétendues nobles.
— Te voilà bien arrangée, coquine, dit en riant Montcul. Sais-tu ce qui t’attend ?
— Elle le sait, pour sûr, lui répondit l’Alle­mande. Elle était là, et elle s’amusait, pendant le tour de piste de la baronne Séphora. Mais malheur à elle si elle ne reste pas bien à quatre pattes et si elle ne fait pas bien la chienne. C’est à moi qu’elle aurait affaire, et elle sait comme je peux être bonne…
Commençons, dit le maître. L’enfant se fatiguerait à cette position incommode, si nous ne lui donnions un peu d’exercice. Publicola va nous amener Nelson et Wellington ; et puis, quelqu’un de vous autres, je veux que l’on me porte ici mon grand poudrier sacripant.

Viola fut la plus diligente à lui présenter certain vaisseau qu’ils étaient allés chercher dans des coffres, sous les lits de fourrures. Quand il l’eut ouvert, pour m’en montrer le contenu, je vis une poudre brune, semblable à du tabac à priser.

— De la poudre attire-chiens, reprit-il, comme vous pouvez en acheter dans les magasins où l’on tient commerce de « farces et attrapes ». Autrement dit : sécrétions de chiennes en chaleur, que l’on dessécha et pulvérisa. Il est à peine croyable, pour fou que soit le code, que des drogues somme toute assez peu dangereuses, telles que l’opium ou le haschich, aient été soumises à cette stricte réglementation que vous savez et qui les rend de pratique difficile au commun des hommes, tandis que le présent ingré­dient, plus subversif qu’un appel aux barri­cades, est partout offert en vente libre. Imaginez, je vous prie, le beau scandale obtenu si vous en introduisiez quelques pincées seulement dans les défilés civils et militaires, les obsèques nationales, les retrai­tes aux flambeaux, les visites de souverains étrangers, les grandes assemblées sportives… Mais cela, dont je parle, est déjà dans Rabe­lais, qui a très clairement indiqué l’emploi de mon instrument profanateur (et sans doute l’avait-il expérimenté lui-même). Lisez plutôt, ou relisez, le chapitre vingt-deux du second livre. Vous y trouverez le plus utile enseignement quant au rôle de la poudre attire-chiens dans la perversion publique. Voyons, maintenant, comment elle Va servir la perversité privée.
Le nègre, entrouvrant la porte, annonça que les bêtes étaient là.

— Bien, poursuivit Montorgueil. Tiens-les attachées quelques instants. Je t’appellerai quand la femelle sera prête. Tu entreras d’abord avec Nelson. L’autre aura la secon­de passe.
Et il expliqua :
Nelson enconne et Wellington encule. Au moins les ai-je dressés à cela, de même qu’ils ont reçu de moi leurs nouveaux noms. Quand ils sont arrivés — ils étaient à la suite d’un officier allemand que m’avait fourni le maquis et qui succomba dans les expérien­ces avant que j’eusse pensé à m’informer du nom de ses bêtes
— ils ne savaient rien faire. Et encore, à Viola :
A toi d’opérer, dit-il, notre maquerelle attitrée. C’est un travail qui, par droit de coutume, revient à tes jolies mains. Les chiens te connaissent, ils t’aiment, ils bandent rien qu’à sentir ton odeur, si souvent les as-tu branles dans tes fonctions ou capricieusement.

Il remit le poudrier à la mulâtresse, qui alla se pencher sur les parties postérieures de Michelette. Je me penchai aussi, mais sans quitter mon siège, pour ne rien perdre du surcroît de tourment que l’on destinait à la malheureuse. Mon amie lui flattait douce­ment la croupe, ainsi que l’on fait aux chèvres quand on veut leur voir relever la queue pour offrir le vase que la nature a dévoué par excellence aux pratiques bestia­les, et elle lui passait la main sur la raie entre le con et le trou du cul. Puis, avec grand soin de n’en faire tomber, elle prit un peu de poudre, que ses doigts enfoncèrent dans le con tout ensanglanté. Sans prendre garde à quelque gémissement, elle oignit aussi, et méthodiquement, les lèvres du con, essuya sa main aux fesses ; ensuite, après avoir refermé la boîte, elle s’écarta de l’enfant quadrupède.
Nelson…, cria Montorgueil

Vers nous accourut un dogue de la plus grande espèce et dont la robe unie était de ce gris clair, assez sinistre, que désigne bien l’adjectif blafard et qui est précisément la couleur de la craie quand elle est mêlée d’impur. Ses oreilles, coupées en pointes, se dressaient comme de petites cornes trapues, au-dessus d’yeux à la prunelle vert pâle qui s’allumaient aux flammes des bougies comme ceux des chats. Il s’arrêta au milieu de la pièce et flaira, tandis qu’un peu de bave dégouttait de sa gueule, et alors sa verge devint raide et le gland saillit, écarlate, hors du fourreau velu.

Ces animaux bandent diablement vite, observa Montorgueil plus prodigue en com­mentaires qu’un montreur de pantomime. Celui-ci, pourtant, possède un engin d’un calibre que la plupart des hommes (je ne parle que des Blancs) lui envieraient.

Du chien, le groupe où j’étais n’eut que mépris. Déçu par notre odeur ou par notre immobilité, le féroce animal se lança d’abord contre Viola, qui seule était debout et qui avait trop manié l’extrait de chienne pour n’en pas conserver, sur elle, quelque relent. Il mit ses pattes sur les épaules de la femme (qui par un géant semblait invitée à la danse), la fit reculer, presque tomber, et il donnait de grands coups de reins où s’entrebaisaient sa verge et le duvet d’oiseau qui bordait le peignoir.

— A bas, Nelson, dit la belle intrépide. Tu auras mieux que moi, ce soir. Va piner la petite fille, bon chien.
Sans effort, elle se dégagea, et elle le pous­sa, qui grognait, du côté de Michelette. Dès qu’il eut flairé les parties saupoudrées, il se jeta sur l’enfant dont il prit le torse entre ses pattes, culetant sur un rythme tellement forcené que pas un de mes lecteurs, certaine­ment, mis à pareille épreuve ne l’aurait soutenue. Viola lui fît quelque Caresse, comme elle avait fait à la croupe de Miche­lette ; ses doigts longuement fuselés, ensuite, saisirent l’énorme verge, la guidèrent jusqu’au con dans lequel elle entra, floc, du premier coup, comme une cuiller dans le ventre d’un perdreau très mûr. Le dogue culeta vigoureusement pendant quatre à cinq minutes, sans provoquer aucune réac­tion, chez sa monture, que des sursauts de peine (mais je fis l’observation qu’il manquait un miroir, lequel, placé devant nous, eût montré le visage et peut-être les sentiments de l’exploitée), puis il s’arrêta et demeura stupide, tandis qu’une sale odeur de chenil envahissait la pièce. Gracchus vint le tirer en arrière, par la peau du cou. Avec des secousses terribles, il- déconna de force, cependant que Michelette, étranglée par le collier dont elle était retenue, hurlait, se démenait, et que son con déchiré par l’en­flure du nœud versait un nouveau flot de sang.

Vive l’Angleterre ! dit Montorgueil buvant d’un verre où la princesse de Warmdreck avait pissé dans du gin. Et maintenant, puisque la marine n’en peut plus, faisons donner l’armée. Envoyez notre gloire natio­nale numéro deux.

Le poudrier sacripant, dans les mains de Viola, fit son office une autre fois ; Nelson fut mis à la chaîne, piteux d’ailleurs et débandé ; alors la porte livra passage à Wellington, et je fus saisi vraiment de terreur, car celui-là, plus grand et beaucoup plus abrupt que son congénère, était noir de la tête aux pieds, hormis les crocs qu’il avait très blancs et puis les gencives, la langue et la verge qui étaient du même rouge tirant au lie-de-vin. Il bandait coriace au moment qu’il entra, excité peut-être par l’odeur qu’il avait pu flairer sous la porte, ou bien habi­tué au cérémonial de la chiennerie. Négli­geant Viola, ce fut à la petite fille, tout droit, qu’il courut, et il la saisit entre ses grosses pattes ainsi que Nelson avait fait ; mais il ne fut pas plus habile que lui à trouver seul où fourrer son engin. Comme il s’escrimait
assez maladroitement, quoique avec beau­coup de ressort dans le dard, Viola vint le guider à son tour dans le parvis du temple où il devait sacrifier. Ce n’est pas sans résis­tance qu’il enfila, jusqu’aux couilles, la rosette ; il cognait si fort, pourtant, qu’il fût venu à bout de l’un de ces culs mérinos, dont il se dit à Béziers que ce sont les plus opiniâtres.

L’enfant, jusqu’à ce qu’il eût fini, ne cessa de se débattre et de crier. Il semblait qu’elle fût devenue complètement folle ; mais dans cette folie même elle continuait d’obéir aux ordres reçus, et elle restait, comme une chienne, à quatre pattes. En déchargeant, selon toute probabilité, le dogue lui mordit cruellement une oreille. Après quoi, pareil en cela aussi à son prédécesseur, il tomba dans une sorte d’abattement.

Tous les efforts seraient demeurés vains à le faire déculer, tant s’était resserré le sphincter ou tant le nœud avait pris de volume dans le boyau, si l’on n’avait appor­té, en dernier moyen, un grand seau d’eau froide, lequel, projeté sur la triste paire, la désunit. Et le duc de fer alla rejoindre Lord Nelson.
— Cette fille a été réellement bien dépuce­lée, dit notre hôte, en guise de conclusion.
Personne ne répondit, si vides (ou comblés) étions-nous, qu’il semblait que nous eussions joui avec les chiens. Alors il reprit, à l’adresse de Gracchus et de Publi-
cola :
— Vous deux, emmenez-la. Amusez-vous d’elle de toutes les façons que vous voudrez. Mais qu’elle soit expédiée avant l’aube. Que je n’en puisse voir aucun reste ; que jamais je n’en entende plus parler.
— Fie-toi plutôt à moi pour cela, lui dit Luna, qui s’était levée avec les nègres.
Et elle les suivit qui entraînaient leur proie hurlante. Son visage portait un singulier sourire, entre l’égaré et le triomphal.

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VII

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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VII

Chapitre VII: Une punition

Michelette se démenait, hurlait de peur quand ne l’étranglait un sanglot, secouait, pour fuir, le bras de l’Allemande, mais Gracchus et Publicola, l’ayant saisie (je vis bien qu’ils bandaient, et leurs grosses mains noires patinaient durement les parties ten­dres du petit corps), la balancèrent au milieu de la flaque. Après quoi, tout de suite, on remit le couvercle à sa place.

Les poulpes, péchés de peu, étaient bien vivants ; je pourrais même dire qu’ils étaient sacrement vifs ! Ils avaient commencé par fuir sur les côtés, quand Michelette était tombée parmi eux, mais nous les avions renvoyés vers le centre. Le grillage était beaucoup trop bas pour permettre à la petite fille de se tenir debout ou même de s’asseoir, et elle se roulait dessous à la manière d’une possédée, mettant en lam­beaux la combinaison très fine qui l’ha­billait uniquement, déchirant, au contact du métal, son visage, ses mains et la peau de son corps. Affolés par les mouvements de l’in­truse, les poulpes nageaient d’un bord à l’autre avec des saccades furieuses ; ils jetaient leur encre sur le sable et dans l’eau, ils collaient, avec des cinglades comme de fouets, leurs tentacules sur les membres de la petite victime. Non pas que ces bestiaux soient aussi dangereux que d’aucuns l’ont prétendu, l’étreinte de leurs huit bras, la succion des ventouses qui les arment, pour­tant, sont sévères, et quand ils appliquent sur un épiderme d’enfant leur bouche cornée en bec de perruche, la morsure n’en est pas bénigne.

De toute évidence, Michelette avait perdu la tête. Couchée à la renverse, les cheveux dans l’eau, les jambes écartées au maximum, ses genoux s’égratignaient contre le grillage et saignaient. Cette position de la plus complète impudeur l’exposait à nos regards mieux (ou pis) que nue, si quelque loque de crêpe ou de dentelle pavoisait encore ça et là son corps meurtri et souillé. Cinq poulpes, qui s’étaient fixés sur elle, n’en bougeaient plus, leurs tentacules étroitement noués sur la peau de ses flancs, de son ventre et de ses cuisses ; un autre, des plus gros, vint se coller à son visage, lui prêtant un masque effroyable et burlesque. Alors telle confu­sion de la chair enfantine avec les mol­lusques céphalopodes, dans un décor de soie et de dentelles rompues, de sang, d’en­cre animale, de sable et d’eau salée, parvint à un degré de bestialité grandiose où il y avait peut-être de cela que l’on nomme obscurément sublime, et je fus tout à fait égaré. J’empoignai Viola, lui arrachant son peignoir, la renversant sur la grille ; mais d’autres avaient ressenti les effets du specta­cle, et je n’eus pas le temps d’enconner.

— Par tous les culs du ciel et de la terre, cria le maître de Gamehuche, je crois que je vais bander !

Les femmes autour de lui s’empressaient, et Viola, qui s’était retirée de mes mains, craintive, dès qu’elle l’avait entendu, ne fut pas la dernière à le débarrasser de son vête­ment. Frotté de seins et de fesses, chatouillé à coups de cils, manipulé, branlé, suçoté, le vit de Montorgueil bientôt fut en l’air.
C’était un fort joli morceau, non pas monstrueux de longueur si, selon la docte Viola, il atteignait à peine vingt-trois centimètres, mais frap­pant par son profil en massue et par l’énor­me gland cramoisi (dix-huit centimètres de tour !) qui le terminait. Le plus remarquable était une membrane dentelée comme la crête de certains sauriens, marbrée de rosé et de violet, qui pendait sous ce vit depuis le gland jusqu’à la bourse. J’ai vu bander peu d’hommes, n’étant pas du tout pédéraste, ni trop volontiers partouzard, et je ne puis dire avec certitude si ce magnifique ornement, dont M. de Montorgueil tirait gloire, est bien chose unique. Des médecins, consultés plus tard, me l’affirmèrent ; je les en croirai sur parole.
Pour le reste, mon ami avait le corps d’un Bacchus poilu, entre le châtain et le roux, sous un visage bien rasé et froid comme celui d’un clergyman.

— Découvrez le bassin, vite ! criait-il. La petite garce est à point comme cela dans son jus. Je vais la défoncer par devant et par derrière, et que je sois damné, à ce coup, si je ne crache pas du foutre !
On découvrit. Montorgueil, aidé par l’Alle­mande et par Viola qui le tenaient sous les bras, sauta dans la flaque avec le bruit d’un saumon qui franchit un barrage, et nous en eûmes de sales éclaboussures. L’agitation des poulpes redoubla, comme s’ils nageaient dans une mare d’eau trop chaude. Nous avions fort à faire pour les rejeter dedans quand, pour s’échapper, ils grimpaient hors du bassin. L’un se colla au talon de l’An­glais, un autre à sa nuque, mais lui, sans un geste pour les chasser, s’empara de Michelette qu’il étreignit avec rage, maniant cruel­lement les petits seins et les fesses, mordant de toutes ses forces dans le gros poulpe qui se crispait sur le visage de l’enfant. Deux autres, plus petits, qui s’étaient fixés entre les cuisses, barraient le chemin des pucela­ges ; il les arracha, et nous le vîmes introdui­re les pouces dans leur corps, fait en forme de sac, pour le retourner comme un gant et leur mettre toutes les tripes à l’air, pour se frotter ensuite, avec ces tripes-là, le vit et les couilles.
Puis il revint à sa victime, en faisant des vociférations où je crus enten­dre un arrêt de mort, et l’ayant placée en position convenable, sans préparation d’au­cune sorte que ce qu’avaient pu fournir les entrailles du poulpe, d’une botte unique et irrésistible, il plongea son engin jusqu’aux couilles dans le ventre de la pucelle.

Michelette, tirée de son état d’inconscien­ce, hurla de plus belle. Je pense que Montorgueil avait dû la blesser grièvement avec son énorme nœud, car du sang coulait à flots dans l’eau noire de sépia ; mais il continua à limer en con pendant au moins douze minu­tes, sans aucune pitié. Quand il sortit, et il n’avait pas déchargé, son vit était terrifiant, qui bavait une sanglante écume par toutes les pointes de la crête inférieure, comme on imaginerait d’un iguane qui eût participé horriblement à quelque saleté rituelle. Il retourna l’enfant pour lui rompre le cul avec plus de brutalité qu’il n’en avait mis à déchi­rer le con, et il lima l’anus en furibond pendant plus de temps encore. A la fin, non sans divers cris, il renversa en arrière la tête de sa victime pour mordre de nouveau dans le gros poulpe qui la masquait toujours, et de ses dents il arracha un œil de la bête dont vibraient et claquaient les tentacules comme les rayons d’un soleil d’artificier ; alors seulement il déchargea, et sa décharge dut être prodigieusement abondante, car elle se prolongea pendant plusieurs minutes, et des contractions l’accompagnaient qui boule­versaient tout son grand corps effondré dans la flaque.

Quand il se redressa, chancelant, bar­bouillé de rouge et de noir depuis les pieds jusqu’à la tête ainsi qu’un dieu indien dans sa peinture de mort, le vit encore raide, quelques poulpes collés ça et là sur sa peau, il était vraiment épouvantable et magnifi­que.

Voilà ! dit-il ; c’est avec de la sauce et quelque garniture qu’il faut me servir ces petites putains. Vous comprenez, mainte­nant, pourquoi je ne suis jamais arrivé à faire la moindre politesse à leurs appâts en dehors de chez moi.

Majestueusement, il nous quitta, suivi par Candida que d’une chiquenaude il avait appelée. Derrière les vitres, des congres serpentaient avec de lentes ondulations ; des poissons bleus s’acharnaient sur un infirme de leur espèce.
Je n’avais pas débandé depuis la fin du repas. Il était grand temps, me semblait-il,
de penser un peu à vider mes couilles. Dans cette louable intention, je saisis Viola, qui se branlait à côté de moi sur le bord du bassin. Quant à la jeune princesse, je savais trop peu les liens qui la pouvaient unir au propriétaire de Gamehuche, que pour rien au monde, naturellement, je n’aurais voulu rendre jaloux ; d’ailleurs la mulâtresse me plaisait davantage. Mais celle-ci, qui venait de bien s’envoyer en l’air, haletante, me repoussa courtoisement.

Je suis toute à toi, me dit-elle, tu le sais, mon bon frère ; mais la bête a tellement mouillé qu’elle est fourbue. N’aurais-tu pas envie, plutôt, de cueillir le dernier pucelage de cette jolie poulette ? Il lui reste la bouche…

Telle proposition, inutile de le souligner, comblait mes vœux. On tira Michelette du bassin que l’on recouvrit, après y avoir rejeté quatre ou cinq poulpes qu’elle avait encore sur les jambes ou qui rampaient au bas des aquariums. L’enfant parut dans cet état d’amoindrissement et de langueur qui est la suite ordinaire des accès frénétiques : son air hagard, son regard idiot, son teint livide, un tremblement continuel, des souillures d’encre et de sang comme sur le corps de son bourreau, tout en elle, je peux l’avouer, me la rendait terriblement excitante.

A genoux, sagouine, lui dit Luna qui décidément, dans l’ordre de la débauche, avait à Gamehuche fonction de maître de cérémonies (et elle se branlait sous sa robe en parlant), ouvre bien la bouche. Et si tu as le malheur de mordre M. Balthazar ou de recracher la moindre chose de ce qu’il va lâcher dans ta gorge, je te remets tout de suite dans le trou aux pieuvres, et tu y restes toute seule. On viendrait prendre tes os demain matin.

Le nègre Publicola fut chargé de tenir pour moi la petite fille entre ses jambes, la forçant à s’agenouiller en lui tordant les bras derrière le dos. Sombre porc, il bandait ferme, et à petits coups de reins il frottait sa grande verge sur la nuque de l’enfant. L’Al­lemande et Viola se branlaient l’une l’autre, assises sur le grillage aux meilleures places pour ne rien perdre de mon opération.

Je pris la tête par les cheveux — platinés dérisoirement et coupés, l’ai-je dit ? à la Jeanne d’Arc — et je vexai les yeux d’une correction fort bien administrée au moyen de ma pine qui, pour le volume et pour la dureté, n’avait rien à envier au bâton d’un maréchal de France (ou d’ailleurs). Si congestionné même apparaissait l’engin que je n’osai prolonger trop mon amusement — pourtant d’un goût délicat — dans la crainte d’une décharge précoce. Le visage de la patiente, tuméfié rudement par les morsures du gros poulpe, ouvrait à hauteur de mon bas-ventre, comme devant les outils d’un dentiste, une bouche à tout résignée ; et pointait rosé un petit bout de langue. Alors, sans plus attendre, j’irrumai brutale­ment.

Calice, que de suavité ! Mon seul regret est de n’avoir su besogner plus long­temps l’ingénue, qui endiguait sans se plain­dre (et pour cause !) le travail dont je lui remplissais le gosier avec un élan à défoncer la glotte et à élargir définitivement le larynx. Presque tout de suite, hélas ! je déchargeai, écrasant contre moi le visage qui cherchait en vain à se dérober, tirant à les arracher par poignées les cheveux pâles, mortifiant de pincements les oreilles. Le saucisson noir de Publicola, au même instant, sur la nuque et sur les épaules, faisait couler un torrent de foutre. Épais et chaud, le sperme du grand nègre avait un fumet de sauvagine qui était presque insoutenable.

Avale bien tout, dit Luna, penchée vers notre groupe et que le doigt de son amie faisait écumer, sûrement, comme un lima­çon des vignes. Gare à toi si tu en laisses une goutte.

D’un effort que certains jugeront héroï­que, l’enfant avait obéi. Je me séparai d’elle,apaisé, mais taché largement, moi aussi, de sépia.

La maladroite catin, cria l’Allemande, dès qu’elle eut remarqué sur mon vêtement ce qu’y avait mis le contact de la victime. Perdra-t-elle jamais cette habitude de se frotter aux gens pour les salir ? Elle a mérité d’être punie pour de bon, cette fois. Allons, vous deux, conduisez-la dans la salle à manger et attachez-la par terre aux anneaux de chiennerie.

Gracchus et Publicola reprirent posses­sion de la petite fille, hébétée trop pour trouver encore des larmes. Montorgueil cepen­dant, nous avait rejoints, nettoyé et rhabillé par les soins de Candida, poudré blême, parfumé, peigné à grandes vagues.
Salauds, nous dit-il élogieusement, vous avez foutu sans moi…

(à suivre)

L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VI

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L’anglais décrit dans le château fermé. – A.P. de Mandiargue – Chapitre VI

Chapitre VI : Edmonde

L’offre était galante, j’ aurais voulu remercier de même, mais déjà Gracchus revenait avec la grande pine ; ce furent des cris de joie, qui me coupèrent la parole, quand on vit l’engin couché mollement sur l’or d’une peau de phoque, dans une longue bassine, laquelle posait à son tour sur un plat de glace pilée, afin d’éviter, durant les préparatifs, le moindre fâcheux amaigrissement . Ganté de laine, je pris la pine par les couilles et la soupesait ; elle tenait dans la main comme l’un de ces gros Colt frontière qui envoient leur balle dans l’oeil d’un alligator aussi rigoureusement qu’une carabine. Viola m’ayant prêté un petit mètre serpentin qu’à des fins (je suppose) effrontées elle avait dans sa chaussette, je mesurai mon arme avant le la remettre au frais : trente-neuf centimètres de long, vingt-quatre de tour au milieu de la branche et vingt-cinq au plus large du gland lui faisaient un calibre assurément redoutable(1). Cependant Edmonde, résignée puisque les pleurs n’avaient à rien servi, passait aux mains des nègres pour l’arrangement du sacrifice.

Edmonde était une fort belle fille, quoique d’une beauté un peu mûre : les cheveux d’un châtain presque noir, l’oeil brun doré, la peau très mate, la lèvre assombrie d’un duvet, les traits et le reste classiques, le cul tout à fait grandiose. Elle était vêtue comme d ’une longue chemise mauve, fendue loin sous les bras pour laisser la gorge et les aisselles dans le domaine public ; elle avait aux jambes (Michelette étant dans notre sérail la seule à porter des bas ) des chaussettes vertes avec de grands iris rouille. Tout cela fut placé à mon intention sur l’un des canapés de table, dont l’on avait rabattu les bras et le dossier afin de le transformer en une sorte de banquette, et l’on attacha raidement les poignets et les chevilles de la femme aux quatre pieds du meuble ; un coussin supplémentaire, sous son ventre, l’obligeait à me faire beau cul, ce que de toute façon elle eût été bien embarrassée de ne pas consentir.

Mon tour étant venu d’opérer, ils me donnèrent un couteau, et à partir du bas je fendis la chemise jusqu’à la taille, puis je déchirai à droite et à gauche pour découvrir entièrement le cul. Ce fut un ravissement. Car la forme, oui , je l’avais remarquée ; mais rien dans la matière du visage, des épaules ou des bras n’eût fait présumer l’éclat et la blancheur de ce cul, dont saillait majestueusement la double coupole ainsi qu’un grand ballon de sucre, sous le goulot d’une taille fine. Pas une ride, pas un pli, pas un grain n’en venait gâter la rondeur admirable, et pour le lisse et pour la fermeté c’était beaucoup mieux que du marbre très pur, si cela faisait songer aussi à certaines cathédrales d’Italie. Les plus sublimes fesses, en vérité, que j’eusse jamais vues !

Entre elles deux, un pelage très noir, assez pareil à de l’astrakan, dessinait avec vigueur l’amorce de la raie culière. Pour teinter d’orange les deux belles mappemondes pâles, je leur donnai quelques petites claques, qui produisirent l’effet voulu ; et je ne résistait pas au désir de poser ma bouche sur la jolie rosette qui se tendait vers moi.
Ne me fait pas trop mal ; je serai toute à toi quand tu voudras, comme tu voudras, entendis-je alors qu’on me disait à voix basse.
Mais, l’offre, étant donné la situation de la marchande, était tellement comique que je ne pouvais qu’en rire. Au même instant Montorgueil m’exhortait à  »défoncer cela sans préparation ».

Je saisis la grande pine de glace, l’assurai bien dans ma poigne ; j’appuyai le bout au centre du trou du cul. Il y eut rétrécissement immédiat, et la rosette, qui s’était épanouie pour mes lèvres, se fronça comme si l’on avait tiré sur un fil ( je pensai aussi à une anémone de mer qui se ferme). Puis les fesses commencèrent à trembler, les cuisses eurent cet aspect grenu que l’on nomme  »chair de poule ». J’essayai de pénétrer en faisant tourner la pine comme un vilebrequin, mais la peau de l’anus, collée à la glace, tournait avec elle, et cela ne faisait que rétrécir encore le trou. Alors, pour détacher mon instrument, je le retirai d’un geste sec ; Edmonde geignit, et je vis un peu de sang sur le gland hyalin de la pine.
Poussez donc , dit Montorgueil ; ne laissez pas fondre la pine.
Et à Edmonde :
Tu n’as qu’à ouvrir le cul, cela entrera tout seul.
Vigoureusement cette fois, puisqu’on me l’ordonnait, je poussai l’instrument ; la contraction musculaire au contact du corps froid était si forte que je ne réussis qu’à faire saigner davantage, et le plaintes devinrent des hurlements de douleur.
- Tu peux crier, bougresse idiote, dit Montorgueil. Il en faut plus que çà pour me faire bander.

Selon ma nature, au contraire, c’était très suffisant : ma queue se tenait toute droite dans mon caleçon, et Viola la flattait de la main ainsi que l’on flatte un furet. Pourtant, comme le cul résistait à tous mes efforts et que l’engin avait arraché un lambeau de tissu rosâtre qui était probablement de la muqueuse intestinale, mon amie, pour éviter de plus grands maux, alla prendre sur la table un huilier qu’elle me donna, malgré les protestations du maître du logis.

Quand j’eus versé de l’huile sur le trou du cul et dans le creux de la raie, j’approchai un indexe baigné aussi de lubrifiant. Chose extraordinaire, dès qu’elle eut senti qu’il s’agissait de chair humaine et non plus d’eau congelée, la rosette se déplia, s’ouvrit comme une bouche, happa mon doigt bien plutôt qu’elle ne cédait à la pression. J’enculai jusqu’au poing, pour bien graisser l’intérieur du boyau. Ensuite je fis couler ce qui restait d’huile sur la grande pine, et puis, d’une main tenant la rose ouverte, de l’autre j’enfonçai le gland brutalement dans le calice. La patiente hurla de nouveau, son corps se tordait sur la banquette, ses reins tremblaient, je crois qu’elle souffrait horriblement ; l’anus en tout cas, était dilaté comme je suis sûr que rarement l’avait fait un vit de nègre, jamais le plus copieux étron, et le sphincter follement se resserrait sur mon bélier de glace. Profitant du récent huilage, et pour éviter, si je laissais la pine immobile, qu’elle n’adhérat encore à la muqueuse, je poussai l’engin sans rémission jusqu’à ce que les couilles se fussent incrustées dans la peau des fesses.
Bon, dis-je en me redressant ; voilà qui est fait. Le cyclope est aveugle.
Et Montorgueil :
Vous avez bien opéré. Mais la bougresse a eu de la chance de tomber entre vos mains. A votre place, je n’aurais pas été si galant ; et qu’elle fit de la salade autant qu’elle voulût, c’est de vinaigre plutôt que d’huile que je l’eusse assaisonnée, moi.

Pauvre Edmonde ! Tous les visages étaient penchés sur ton cul. Nul n’avait voulu perdre le moindre détail de tes souffrances, et tandis que tes cris tournaient au râle d’une bête que l’on égorge, tandis que sous la terrible brûlure intérieure, peu à peu, tu perdais conscience et que ton corps prenait cette apparence crayeuse et molle qui est celle des cadavres frais, nous regardions couler entre tes fesses un filet de sang et d’eau qui mouillait le tissu de la banquette.
Si furieusement me pressait le spectacle de cette petite mort que j’écartai de ma queue la main de Viola, pour ne pas décharger, bêtement, dans ma culotte ; et je considérais mes voisines, hésitant si je lâcherais cela en cul, en bouche ou en con. Alors j’entendis tinter un éclat de rire, cristallin et sot comme au pensionnat quand la maîtresse a cassé ses lunettes. C’était Michelette, qui de la permission de boire et de manger avait profité jusqu’à s’étourdir, et qui ne se tenait plus de joie.
Edmonde a un glaçon dans le trou du cul et elle est toute blanche, cria-t-elle très haut, entre deux crises.
Cette petite est bien gaie, dit l’Allemande. On n’entend qu’elle.
Chère amie, lui dit Montorgueil, vous qui avez suivi les cours d’instruction prématernelle en usage dans votre pays, ne sauriez vous pas un moyen efficace à faire taire les enfants bruyants ?
L’Allemande vexa Michellette d’un bon coup de fleuret à la nuque, derrière Montorgueil, et elle dit quelques mots à l’oreille de notre hôte.
Foutrechaud ! S’exclama celui-ci, voilà qui est trouvé. La petite putain va avoir du goût. Et je ne me moquerai jamais plus de l’école prématernelle, si c’est de là que vous tenez vos méthodes.
Il vexa Michelette en lui tordant le nez et la jeta, qui pleurait, aux deux nègres, avec l’ordre qu’on la menât illico dans le salon des aquariums.

Montorgueil avec Luna de Warmdreck, moi-même entre la négresse et la mulâtresse, nous suivîmes le trio, laissant que dans sa posture incommode la belle Edmonde digérât en paix son glaçon ; et j’espérai qu’il y aurait du plaisir, et que je trouverais l’occasion de placer mon foutre quelque part.
Au rez-de-chaussée de la tour attenante, ce fut encore une pièce ronde, comme la salle de bains par où l’on montait dans ma chambre. Le pourtour en était de ces aquariums attendus selon l’ordre de mon ami, lesquels, séparés par un simple rang de galets, se trouvaient dans le mur à hauteur de poitrine ; et derrière eux des lampes de fond donnaient à la pièce un éclairage atténué par l’écran d’eau verdâtre. Là-dedans évoluaient des poissons et toutes sorte de bêtes marines, parmi de petits rochers moussus, des coquilles et des bouquets d’algues qui faisaient à peu près le décor que l’on aperçoit sous la mer, quand on regarde avec des lunettes de plongeur ; des bulles d’oxygène, interminablement, s’élevaient vers la surface. Tout de même que dans ma salle de bains, le centre de la pièce était occupé par un bassin circulaire, mais celui-ci, couvert d’un grillage en treillis de laiton, ne tenait pas plus de quelques décimètres d’eau sur un fond de gravier et de sable. Il y avait dans cette flaque une vingtaine de poulpes qui, sauf deux ou trois, ne dépassaient pas la taille de ceux que très communément l’on retire de certains trous de roche où les signalent un bouclier de cailloux, à marée-basse, sur les plages de Bretagne et de Normandie. Les plus gros, pourtant, remuaient des tentacules presque aussi longs qu’un bras de femme. Plusieurs étaient sortis de l’eau pour se coller sous le treillis, d’où les fit retomber, en les piquant de son fleuret, la jeune Allemande.

Enlevez le grillage, dit-elle aux nègres.

Et quand ils eurent obéi, s’adressant à Michelette que deux gifles brutales avaient mortifiée :
Regarde bien, petite merdeuse, dit-elle encore. Tu vas aller dans le trou ; cela t’apprendra à rire et à faire du bruit quand parlent les grandes personnes. Les pieuvres vont se jeter sur toi. Tu vas les sentir te mordre, te sucer le sang…

(à suivre)

(1) La nature a fait encore mieux, et l’on peut voir au musée d’anatomie pathologique de l’université de Strasbourg un vit long de 42cm, qui était l’ornement d’un tambour-major des armées de Napoléon.

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Le destin de Cassandre : chapitre XXVIII

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Chapitre XXVIII

 

La vie est plutôt agréable dans cette demeure, bien entendu il me faut composer avec les vieux barbons qui investissent le salon tous les soirs mais dans l’ensemble je suis heureuse ici. Le premier soir, j’ai rencontré Jeanne, c’est une fille charmante. Nous passons de longues heures à discuter de tout et de rien avec tout de même une petite préférence pour notre manière un peu spéciale d’aborder les relations avec les hommes. Le plaisir que nous ressentons en nous soumettant nous rapproche et je pense que nous allons devenir de vraies amies.

Depuis quelques jours, les habitudes sont un peu bousculées, le valet du Roi vient faire son marché tous les soirs pour alimenter le « cheptel » de sa Majesté. Pour le moment je ne suis pas encore prête et je me fais toute petite ou je m’arrange pour être avec un client afin qu’il ne me remarque pas. Jeanne, elle, fait tout son possible pour qu’il la voie mais il ne s’arrête que sur les minois encore plus tendres que les nôtres…le Roi aime les filles très jeunes…

Ce soir, je vais faire la connaissance du Comte de St Germain, la Duquesnoy m’a brièvement fait savoir qu’il est connu et a des accointances à la cour et je vais bien m’en occuper.

Nous avons monté une petite scène avec Jeanne car il parait que le Comte est friand d’histoires biscornues alors je vais lui faire plaisir !

Il ne porte que du noir, c’est surement pour rehausser l’éclat des diamants qu’il porte à plusieurs doigts, à son gousset, si j’en crois ce que l’on dit dans les salons. Chez lui, le diamant semble être une passion aussi grande que le sexe : on raconte qu’il en a les poches remplies et qu’il s’en sert comme monnaie. C’est surement, ce qui lui donne ses entrées à la cour. On dit aussi de lui qu’il ne mange jamais, c’est étrange !

J’ai demandé à la Marquise quelques mètres de cordes de chanvre. Gabriel s’est chargé de transporter dans ma chambre 4 rouleaux, je pense que cela sera suffisant pour m’attacher comme je le souhaite.

J’attends Jeanne qui est partie faire ses ablutions, elle et moi sommes quasi les seules à nous laver régulièrement, les autres filles n’en voient pas l’intérêt…c’est un comble ! Nous passons tout de même la majeure partie du temps à recevoir la semence de clients sur nous, en nous, je ne comprends pas ce manque d’hygiène, au harem je me lavais plusieurs fois par jour. Là-bas, les couloirs et les pièces de plaisir sentaient bon, ici, malgré les litres de parfum déversés l’odeur nauséabonde de la sueur et du foutre reste présente !

«  Cassandre, tu as eu les cordes ? »

Je sursaute, Jeanne est revenue sans que je l’entende, comme d’habitude ! Elle rit.

« Ma pauvre Cassandre…c’est si drôle de te voir faire des bonds…je ne m’en lasse pas… »

« Tu n’es qu’une vilaine fille, Jeanne. Un jour, je finirai bien par te rendre la pareille. Pour le moment, viens m’aider. »

« J’arrive, j’arrive. Laisse-moi quelques minutes pour finir de m’apprêter, je vois le général ce soir, tu sais, celui qui aime les filles en bas et haut serré à l’extrême. »

Oui je m’en souviens, un grand maigre avec d’énormes mains. Il jouit en serrant le cou de ses partenaires et comme elles ont déjà du mal à respirer à cause des hauts serrés, la plupart s’évanouissent…encore une manie d’homme qui aime le pouvoir et qui adore avoir le contrôle sur les êtres qui s’approchent de lui.

 

Il a fallu plus d’une heure à Jeanne pour me ligoter comme je le voulais. Maintenant, je ne peux plus bouger mais mes orifices sont disponibles pour le Comte s’il désire en user. Jeanne s’est servi des montants du baldaquin pour me suspendre à demi, le haut de mon corps ne repose plus sur rien, il est maintenu en hauteur par un jeu de cordes qui passe sous mes aisselles et autour de mes coudes ce qui me les maintient en arrière et laisse ma poitrine exposée à la vue et au toucher de celui qui entre dans ma chambre.

Pour le reste de mon corps, elle a relié chacune de mes chevilles à mes cuisses en le tirant vers l’arrière. De fait, mon corps repose sur le lit avec pour seul appui mes genoux. Pour que mon sexe et mon cul soient bien libres et ouverts je lui ai dit de passer une corde à la jointure de chaque genou, de tirer vers l’extérieur et d’attacher chaque extrémité à un pied de lit. Jeanne n’a pas serré trop fort mais mon corps pèse de tout son poids sur les cordes qui me relient au baldaquin. J’espère que le Comte ne tardera pas à faire son entrée. Nous avons convenu avec Jeanne que s’il ne vient pas dans le quart d’heure, elle me détachera car sans elle je n’ai aucun moyen de me libérer d’autant que pour parfaire ma mise en scène, j’ai un foulard qui occulte ma vue.

Ce sentiment d’impuissance me donne des frissons de plaisir, je crains et je désire cet instant précis où je sentirai ses mains sur moi sans savoir ce qu’il va faire.

On vient d’entrer, c’est bien !

« S’il vous plait, détachez-moi ! Libérez-moi je vous en supplie ! »

J’ai pris le ton le plus plaintif possible comme si ma vie dépendait de la personne qui vient d’entrer. J’ai entendu le petit grincement du pêne dans la serrure de la porte, c’est fou comme les sens auditifs sont développés lorsque l’on a plus la vue, de même, mon odorat m’assure qu’il s’agit bien d’un homme qui entré dans la pièce.

« Eh bien, voici une bien étrange requête ! Pourquoi diable irais-je détacher une oiselle ainsi offerte ? »

« Monsieur, je vous en prie ! Je ferais tout ce que vous voulez ensuite, si vous dénouez mes liens. »

Le rire qui éclate dans mes oreilles m’informe de l’inanité de mes suppliques, j’ai donc bien deviné le personnage !

« Sais-tu qu’il y a quelques années j’aurais déjà enfilé mon braquemart dans ton con ? Il fut une époque où tu ne faisais pas autant de manières ! Mais pour l’heure, je vais seulement profiter de cette bouche que tu uses pour rien. »

Aussitôt, un gland force la barrière de mes lèvres et l’odeur forte de la sueur et de l’urine mélangées frappe mes narines, je suis envahie par ces relents nauséabonds. Il est de grosseur assez moyenne mais il entre et sort de ma bouche avec une telle vigueur que j’ai un mal fou à retenir l’envie de vomir qui monte dans ma gorge. Ses mains agrippent ma chevelure et maintiennent ma tête comme il l’entend. Des hauts de cœurs me font monter les larmes aux yeux et il s’en amuse.

« Bien, cela suffit. Cette petite introduction était des plus plaisantes mais la Duquesnoy m’a dit que tu aimais quelques violences dans les affaires de lit  et ta petite mise en scène va me faciliter la tâche.»

J’ai toujours les yeux bandés mais j’ai perçu le sourire du prédateur dans ses propos et ses remarques quelques peu étranges me déconcertent.

« Comte, je ne me souviens pas vous avoir déjà rencontré.»

J’ai parlé avant qu’il ait le temps de m’outrager un peu plus.

« Tu ne te souviens pas ! Mais, petite salope, tu as oublié ?  On s’est rencontré à la cour du Roi Henri et comme aujourd’hui, tu étais bien disposée à mon égard mais j’espère pour toi que tu n’as pas les mêmes intentions qu’il y a 300 ans. »

Je ne comprends rien à ses propos ! Encore un de ces illuminés qui croient à l’éternité !

« Tes agissements étaient pour le moins obscurs et je n’ai dû qu’à mon intelligence de ne pas être envoyé dans un cul de basse-fosse ! Et je t’assure que tu vas payer pour ça ! »

« Mais enfin, de quoi parlez-vous ? »

Il est totalement fou ! Et moi, qui suis attachée, sans moyen de m’échapper ! Quelle folie m’a pris ! Je ne sais toujours pas quelle mine a cet homme, je l’imagine assez grand et je dirais qu’il est robuste mais c’est là tout ce que je peux en dire avec mes yeux toujours cachés. Si je crie à l’aide ils vont penser à un jeu entre nous…cela arrive assez souvent que ces messieurs demandent aux filles de crier au secours pendant qu’ils forniquent…ça les excite.

« Le passé est le passé, aujourd’hui je suis là uniquement pour votre plaisir Comte…vous pouvez user de moi comme il vous plaira »

« Mais j’y compte bien ! »

Ma vue toujours obstruée, les mains et les pieds toujours liés, je suis à sa merci et j’aime cet état de dépendance à un homme…mon ventre me l’avoue…je suis trempée, ma chatte suinte !

Quelque chose heurte l’entrée de mon cul, c’est dur et froid, je crois reconnaître le mandrin en ivoire qui est accroché en bonne place à côté du lit, il est d’une taille assez imposante cependant j’ai connu pire pendant mon dressage. Mon œillet se déploie pour absorber le faux sexe, le Comte pousse sans ménagement l’engin dans mes entrailles…mon cul s’ouvre toujours un peu plus.

« Bien, je pense que tu as compris le but de ma manœuvre. Ton cul remplit de ce gros vit, le fourreau chaud et humide de ton con sera beaucoup plus étroit pour recevoir ma bite le moment venu et mon plaisir n’en sera que meilleur ! Mais en attendant, une petite flagellation aux orties pour faire rougir tes mamelles s’impose, rien ne vaut les orties pour faire circuler les sangs !! »

Oh bon dieu ! J’ai horreur de ça ! Je vais encore passer la moitié de ma nuit à me gratter ! Je ne sais pas ce que ces messieurs trouvent d’intéressant là-dedans ! Sinon voir une femme se tortiller en tous sens devant eux…mais en l’occurrence je n’ai pas vraiment le choix et qui sait peut-être y trouverais-je finalement du plaisir puisque je suis contrainte par les cordes à subir les picotements, les démangeaisons sans pouvoir les soulager. C’est la première fois que je l’on m’applique cette correction dans ces conditions là….